Les infections sexuellement transmissibles : pourquoi en avoir honte ?

Les infections sexuellement transmissibles : pourquoi en avoir honte ?

Illustré par Augusta Qimono.

“T’es clean ?”. L’habituelle question d’un·e nouveau·lle partenaire qui paraît si évidente, tu l’as déjà entendu ou tu l’as peut-être posée. Les infections sexuellement transmissibles (ou IST) sont assez fréquentes : en France, elles concernent 40% des 15-24 ans* et pourtant, on va rarement plus loin que la peur et la honte.

Mais, c’est vraiment sale les IST ? Est-ce si honteux et terrifiant qu’on nous le fait croire ?

S’il est clair que le puritanisme propret de notre éducation sexuelle m’a influencée, (je me fais tester tout les trois mois en ma condition de fille légère) j’aimerais bien que l’on cesse de traiter les IST comme un croque-mitaine.

On est en 2019, et pourtant, je surprends encore les genTes chuchoter quand iels parlent de leurs IST. Et je suis la première à faire de même.

Ce genre d’attitudes n’est pas sans conséquences au vu des retards de diagnostics sur les infections. Je t’ai donc concocté un TOP 5 des réactions typiques des personnes de mon entourage concernées :

  • Ce pote qui repousse son dépistage et qui pourtant, évoque fébrilement la nécessité de le faire à chaque fois que tu bois un café avec lui (et ça fait trois mois) ;
  • Cette amante embarrassée qui rougit avant de te dire qu’en attendant ses résultats, elle préfère être prudente (comme si tu allait partir en courant) ;
  • Cette amie qui se planque pour prendre son traitement contre la chlamydia, alors que s’être fait dépister et se soigner, c’est positif et responsable comme démarche ;
  • Ma tante toute piteuse qui m’annonce qu’elle a un papillomavirus (comme si c’était un signe de terrible dépravation) ;
  • Ou encore moi, tremblante et honteuse en plein été, dans une ville où il n’y a pas de centre de dépistage, en train de me planquer dans les toilettes sèches pour faire mon auto-test du VIH.  

En creusant le pourquoi du comment, je me rends compte que ce stigma, cette honte et ces tabous sont liés au sexe et aux sexualités. Tu trouve ça crade toi, les angines ? Tu penserais à baisser la voix et à fixer le sol pour annoncer à tes potes que tu as une grippe ? Tu prends mille détours pour vérifier que tes amant·e·s n’ont pas d’eczéma ?

Non. Parce que le soucis, ce n’est pas l’infection mais cette idée qu’on croyait morte et enterrée que finalement, c’est bien mérité et que ça nous apprendra à avoir du plaisir.

C’est un mélange d’auto slut-shaming** et de relent de puritanisme. Et il me semble que personne n’a envie de perpétuer ça. Je me trompe ?

Comment faire pour que la situation évolue ?

Pour commencer, tu peux essayer d’adapter ton vocabulaire. Au lieu de demander “Au fait, t’es clean ?” à cette personne qui s’est probablement lavée il y a raisonnablement peu de temps, tu pourrais essayer : “Tu t’es fait dépister récemment ?” ou “Tu t’es fait tester il y a peu ?”.

Au lieu de traiter cet·te ami·e qui t’annonce avoir une IST comme si c’était un enterrement définitif de sa vie sexuelle, tu peux lui demander comment ça se soigne, voire même évoquer cette fois où, toi aussi, tu a été positif·ve à un truc, finalement bénin.

Tu pourrais aussi bannir des mots comme “chtouille”, “crade” et “dégueu” du champ lexical de l’IST, parce que tu n’es pas si révulsé·e par la perspective d’un gros rhume.

Tu pourrais arrêter de t’auto-flageller après chaque rapport à risque et t’informer sur comment mieux te protéger et protéger tes partenaires.

Pour plus d’infos, n’hésite pas à jeter un oeil à la publication de la Mutinerie, qui te parle gonorrhée et pratiques sexuelles safe, et au compte Instagram de Gouinette parle trop, qui en plus d’être un monument de la culture queer et lesbienne, t’évoque l’IST comme un truc qui arrive.

Louna

Pour te faire dépister gratuitement à Paris, on te conseille de jeter un oeil à cette liste de centres. On ne te garantit pas la bienveillance des personnes à 100% (on ne les connaît pas tou·te·s). Ça serait l’occasion d’y aller entre potes !

NB : Si tu as d’autres adresses, n’hésite pas à nous les transmettre. On les ajoutera à l’article !

* Extrait de Avis – suivi de recommandations sur la prévention et la prise en charge des IST chez les adolescents et les jeunes adultes, du Conseil national du sida et des hépatites virales, 19 janvier 2017

** Le slut-shaming (“humilier les salopes” en français) consiste à stigmatiser ou culpabiliser toute personne dont l’attitude ou l’aspect physique serait jugés provocants ou ouvertement sexuels.