
13 Mai Le trouble dysphorique prémenstruel
Illustration par Monica Loya. Article original écrit par Ashley Biggs pour Pussypedia, disponible en anglais et en espagnol.
Le trouble dysphorique prémenstruel (TDPM) ressemble au syndrome prémenstruel (SPM) mais en pire. Il peut ressembler à un trouble de personnalités multiples, ou bien te donner l’impression d’un monstre intérieur qui ressurgit tous les mois.
Le TDPM, qu’est ce que c’est ?
Le trouble dysphorique prémenstruel (TDPM), à ne pas confondre avec le syndrome prémenstruel (SPM), est un trouble de l’humeur grave qui affecte des millions de personnes dans le monde. Les personnes qui en sont atteintes peuvent avoir des symptômes physiques et/ou mentaux dans les semaines précédant leurs règles.1
Beaucoup de personnes se rendent compte qu’iels ont un TDPM lorsque leurs symptômes prémenstruels sont extrêmes et/ou qu’ils s’accompagnent de moments colériques ou d’irritabilité inhabituels. Une fois que les règles débarquent, les symptômes disparaissent rapidement, donnant un bref moment de répit. Malheureusement, ce soulagement peut être assombri par la certitude que cette période difficile va revenir. Sans traitement efficace disponible sur le long terme, certaines personnes atteintes optent pour une hystérectomie complète.2 Sans option de traitement, le diagnostic de TPDM peut être vécu comme un fardeau et non comme une réponse. Heureusement, des recherches médicales sur le sujet sont en cours.
Les symptômes
Les symptômes liés à l’humeur jouent un rôle clé dans le diagnostic du TDPM. Le DSM-5, le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (livre officiel américain sur le diagnostic des troubles de la santé mentale) cite plusieurs critères qu’unE patientE doit remplir pour être considéréE comme atteintE du TDPM.3 Les symptômes doivent apparaître lors de la dernière semaine de la phase lutéale (les deux semaines précédant les règles) ; après les premiers jours des règles, les symptômes s’estompent ; dans la semaine suivant les règles, les symptômes sont moindres, voire absents.3,1
En plus, au moins 5 des symptômes présentés ci-dessous et au moins un des quatre premiers doivent être présents :4
- Instabilité émotionnelle prononcée (sentiment soudain de tristesse, pleurs soudains, sensibilité accrue au rejet)
- Irritabilité ou colère prononcées ou conflits interpersonnels accrus
- Humeur dépressive prononcée, sentiments de désespoir, pensées critiques envers soi-même
- Anxiété prononcée, tensions et/ou sentiments d’être tenduE ou sur les nerfs
- Intérêt décroissant pour les activités habituelles (travail, école, amiEs, passe-temps)
- Difficultés de concentration
- Léthargie, fatigue extrême, manque d’énergie
- Grand changement d’appétit, boulimie ou envies alimentaires spécifiques
- Insomnie ou hypersomnie
- Sentiment d’être dépassé.e ou de perdre le contrôle
- Symptômes physiques tels que sensibilité ou gonflement de la poitrine, douleurs articulaires et/ou musculaires, gain de poids ou sensation de ballonnement
Les symptômes doivent :
- être source de détresse ou interférer avec le travail, l’école, les activités sociales habituelles ou les relations avec les autres (par exemple le fait d’éviter les activités sociales, la baisse de la productivité ou de l’efficacité au travail, à l’école ou à la maison)
- avoir eu lieu lors de la plupart des cycles menstruels des deux années précédentes, et doivent également être confirmés par un suivi quotidien pendant au moins deux cycles menstruels
- ne pas être les symptômes d’un autre trouble (même s’il est possible d’avoir plusieurs troubles)
- ne pas être le résultat de la prise d’une substance (drogue ou médicament) ou d’une autre condition médicale.
Les causes
La cause exacte du TDPM est inconnue et fait l’objet d’une recherche active. Le TDPM pourrait éventuellement être dû à une sensibilité aux hormones reproductives (qui changent lors du cycle menstruel), au patrimoine génétique et/ou à des facteurs sociaux et comportementaux comme le stress. Les symptômes du TDPM apparaissent au moment du changement hormonal du cycle menstruel, mais les personnes atteintes du TDPM ne semblent pas avoir des niveaux d’hormones différents des personnes qui n’en sont pas atteintes.1
Des recherches récentes suggèrent que les personnes atteintes du TDPM seraient en fait plutôt extrêmement sensibles à la fluctuation normale des hormones, en particulier l’oestrogène et la progestérone.1 Les recherches ont montré que l’oestrogène joue un grand rôle dans le changement d’humeur et de comportement car elle affecte le fonctionnement des neurotransmetteurs, tels que la sérotonine ou la dopamine. Les personnes atteintes du TDPM pourraient ne pas avoir assez de sérotonine en raison de la façon dont leur corps réagit aux changement hormonaux pendant le cycle menstruel.5
Est-ce que c’est fréquent ?
Les estimations du nombre de personnes en âge de procréer ayant des chattes* atteintes du TDPM varie de 2 à 8%.6,7 D’un côté, les scientifiques considèrent que ces chiffres sont exagérés en raison de l’absence de critères de diagnostic stricts.7 D’un autre côté, les études ont montré que 13 à 18% des personnes en âge de procréer peuvent avoir des symptômes graves de TDPM mais n’ont pas le nombre de symptômes requis pour être diagnostiqués.6
La question suivante peut alors se poser : comment la médecine et le monde devraient considérer et traiter ces personnes qui souffrent de symptômes graves mais ne répondent pas aux exigences du DSM-5 ?
Comment prendre soin de moi ?
Si tu penses que tu souffres du TDPM, prends rendez-vous chez un spécialiste de la santé mentale, de préférence un psychiatre qui traite le TDPM. Tu peux aussi :
- Tenir un journal quotidien de tes symptômes et noter la façon dont ils évoluent au long de ton cycle menstruel. Ça te sera utile pour suivre l’évolution des symptômes et lorsque tu auras rendez-vous avec un spécialiste.
- Utiliser un traitement ISRS (inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine)1, une forme d’antidépresseur, tel que le Prozac, le Sarafem, ou le Zoloft. Certaines personnes prennent un traitement régulier de ISRS, tandis que d’autres ne les prennent qu’au début des symptômes et les arrêtent lorsque les règles commencent (cela s’appelle le “traitement symptomatique”). Cette méthode peut être particulièrement utile contre l’irritabilité, les sautes d’humeurs et l’instabilité émotionnelle. Par contre, ce traitement symptomatique n’est pas aussi efficace contre les symptômes dépressifs, qui nécessitent généralement une plus longue durée de traitement par ISRS.1
- Opter pour l’hormonothérapie (contraceptifs oraux, pilule) est un autre traitement commun.8
- Commencer une thérapie cognitivo-comportementale pour améliorer les symptômes du TDPM (elle n’apporte pas spécialement d’amélioration supplémentaire si tu prends déjà un ISRS.1)
- Parmi les autres traitements, il y a des changements de style de vie tels que : les habitudes alimentaires, c’est à dire réduire les aliments salés, sucrés, la caféine, l’alcool et augmenter la consommation de protéines et de glucides sains ; faire du sport (même une marche rapide pour se vider l’esprit et faire circuler le sang !) ; gérer son stress ; prendre des vitamines.4,8 (Néanmoins, garde en tête que les effets de ces dernières n’ont pas été assez étudiés pour prouver leur rôle contre le TDPM.4)
Plus de recherches doivent être faites pour trouver une méthode de traitement efficace pour celleux qui souffrent du TDPM. À l’heure actuelle, la cause du TDPM n’est pas claire et c’est pour cela que les options de traitement sont limitées et pas toujours efficaces. Il est important que l’impact de ce trouble soit pris au sérieux pour améliorer la qualité de vie des personnes qui en sont atteintes.
Dédicace de l’autrice: Mon article est dédié à ma meilleure amie et à ma tante, Sharon, qui est une défenseuse acharnée des personnes avec des chattes*. C’est une romancière publiée, une supportrice enthousiaste du Planning Familial américain (Planned Parenthood), et ma plus grande inspiration.
Traduit de l’anglais par Cyrielle GIGER DECHAVANNE
Sources
- Liisa Hantsoo, C. Neill Epperson. “Premenstrual Dysphoric Disorder: Epidemiology and Treatment.” Current Psychiatry Reports. 17: 87. (2015): *Cet article est sponsorisé par une bourse de la National Institute of Health grant mais C. Neill Epperson est aussi lourdement impliqué dans l’industrie pharmaceutique, notamment par des investissements personnels dans Pfizer, Johnson & Johnson, Merck, Abbott and Abbvie. Beaucoup de la recherche actuelle autour du TDPM cite son travail mais nous ne pouvions pas nous résoudre à l’utiliser. Ses conflits d’intérêts compromettraient certainement l’intégrité de nos informations. Actuellement, le TDPM est traité avec des SSRIs, qui sont produits par les laboratoires dans lesquels le docteur Epperson a investi. Alors que d’autres études ont montré que les SSRIs sont des traitements efficaces contre le TDPM, nous sommes un peu.*
- Ewens, Hannah. “Living with PMS That Makes You Want to Die.” Broadly, VICE, 10 Sept. 2015.
- The American Psychiatric Association. Diagnostic and statistical manual of mental disorders, Fifth Edition, Text Revision. Washington, DC: American Psychiatric Association; 2013.
- “What Is Premenstrual Dysphoric Disorder (PMDD)?” John Hopkins Medicine, The Johns Hopkins University, The Johns Hopkins Hospital, and The Johns Hopkins Health System Corporation. Accessed 2019:
- Wharton W, Gleason C E, Olson S R M S, Carlsson C M, Asthana S. “Neurobiological Underpinnings of the Estrogen – Mood Relationship.” Current Psychiatry Review. 8(3). (2012): 247–256.
- Halbreich U1, Borenstein J, Pearlstein T, Kahn LS. “The prevalence, impairment, impact, and burden of premenstrual dysphoric disorder (PMS/PMDD).” Psychoneuroendocrinology. 3. (2003): 1-23.
- Yonkers, Kimberly A. MD, Caser, Robert F. “Epidemiology and pathogenesis of premenstrual syndrome and premenstrual dysphoric disorder.” UptoDate. (2019):
- Harvard Health Publishing. “Treating Premenstrual Dysphoric Disorder.” Harvard Health Blog.(2009)