Le SOPK est-il une intersexuation ?

Le SOPK est-il une intersexuation ?

Illustration par Leny.

La première fois que j’ai vu ces deux mots ensemble, c’était dans un post instagram de Sean Saifa Wall, un militant intersexe, qui posait cette question : “Avez-vous un syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) et vous considérez-vous intersexe ?” Les réponses variaient selon les personnes. Il y avait des “oui” très affirmés, d’autres personnes qui estimaient que leur relation et leur histoire avec le corps médical ne se conformait pas avec une expérience intersexe, et d’autres encore qui considéraient que ce serait s’approprier une identité qui n’était pas la leur. Si toi-même tu te poses la question, je vais essayer de t’apporter une réponse la plus complète possible.

Tu dis plein de mots que je ne comprends pas

Commençons par le commencement : le SOPK est un syndrome qui, entre autre, crée des variations anatomiques importantes dans ton corps, et notamment une présence de testostérone plus élevée que la normale dans le corps d’une personne assignée femme. Cela se traduit entre autres par la présence de poils en plus grande quantité et dans des endroits tels que le visage, le ventre, le dos, ainsi qu’une plus grande musculature, une plus grande libido, de l’acné, etc. Si tu veux en savoir plus, on a écrit un article plus en détail. L’Inserm estime qu’une personne assignée femme à la naissance sur dix est atteinte du SOPK. 

Pour te parler d’intersexuation (=fait d’être intersexe), je vais utiliser les définitions du Collectif Intersexes et Allié.e.s, qui fait un travail de titan sur le sujet : “Les personnes intersexes sont nées avec des caractéristiques sexuelles qui ne correspondent pas aux définitions typiques du masculin et du féminin. Ces caractéristiques sexuelles peuvent être les chromosomes, les organes génitaux internes et/ou externes, les poils, la poitrine… Les variations dans les caractéristiques sexuelles peuvent être visibles à la naissance ou apparaître plus tard, par exemple à l’adolescence, ou être détectées à l’âge adulte.” 

On estime que 2% de la population est intersexe. C’est autant que de personnes rousses dans le monde. Mais la réalité est peut-être bien supérieure, puisque toutes les intersexuations ne sont pas découvertes ou recensées. Beaucoup de ces personnes seront confrontées à des practicien.ne.s de santé qui ne connaissent rien à ces variations, et chercheront à les guérir ou à les normaliser sans raison médicale. Je t’invite vivement à suivre le travail du CIA sur les réseaux si tu veux en savoir plus, et à les soutenir financièrement si tu le peux.

Qu’est-ce qui fait du SOPK une intersexuation ?

Tu l’as vu, il y a une idée de normalité des corps qui rentre dans la définition de l’intersexuation. Et, souvent, un corps avec un SOPK est jugé anormal pour une personne assignée femme à la naissance : la quantité de testostérone présente dans son corps fait qu’il ne ressemble pas à l’idée que l’on se fait de celui d’une femme. Un symptôme qui joue également un rôle important dans la découverte et le suivi du syndrome est la baisse de fertilité. C’est en consultant à ce sujet que beaucoup de patient.e.s le découvrent. Une part très importante de l’expérience intersexe réside dans la relation de la personne avec le corps médical : une fois que l’intersexuation est découverte, lae docteur, gynécologue, endocrinologue, etc, va tenter de normaliser le corps de la personne concernée.

Cela passe par des mutilations chirurgicales, par des traitements hormonaux parfois dès la naissance, et j’en passe. Cela se fait la plupart du temps sans le consentement éclairé de la personne concernée, et peut avoir des conséquences physiques et psychologiques catastrophiques. Dépendant de la sévérité de leur SOPK, deux personnes qui en sont atteintes peuvent avoir des expériences totalement différentes. Certaines personnes peuvent le découvrir à l’âge adulte par hasard, et avoir une relation très paisible avec lui. D’autres subissent la pression du corps médical dès l’enfance. C’est le cas de Louna, membre de la team Cyclique, que tu connais pour avoir réalisé le podcast “Mec, t’as pas un tampon ?” sur les règles et la transidentité. Tu peux cocher les cases du questionnaire “Êtes-vous intersexe ?” en lisant son histoire si tu le veux.

“Ma puberté est arrivée très tôt et s’est finie très vite. A 11 ans, je faisais la taille que je fais aujourd’hui. Des médecins m’ont fait passer des bilans hormonaux complets et m’ont dit que j’avais des problèmes de testostérone. Ils me gardaient toujours dans le flou, me disaient que j’allais être stérile, que j’aurai des problèmes dangereux pour ma santé. Je ne savais pas vraiment ce que j’avais, et la réalité, c’est que ce qui les dérangeait profondément était le fait que j’avais des poils où il ne fallait pas. Jusqu’à mes 19 ans, ils m’ont fait tout essayer, j’étais leur cobaye : j’ai passé cinq ans sous Androcure, ce qui m’a causé une grave dépression. En dix ans, j’ai essayé une vingtaine de pilules. On considérait que ce suivi médical pour rentrer mon corps dans des normes dyadiques c’était me faire une fleur, alors que ça ne m’aidait pas du tout. ” 

“En plus de mon expérience médicale, avoir un SOPK m’a impacté socialement : je ne compte plus le nombre de fois où on m’a dit qu’une meuf avec des poils sur le visage c’était dégueulasse. Rencontrer des personnes intersexes qui plaçaient le vécu et l’identité intersexe dans la tentative de normalisation de ton corps à des moments où tu n’est pas conscient.e que ça se passe a permis de m’affirmer dans cette identité. Me désigner comme intersexe m’a permis d’arrêter de me considérer comme malade, c’est une manière de dire “variation” plutôt que “syndrome” ou “problème”. Le SOPK ne met pas mon corps en danger, et je n’ai pas besoin de le guérir.”

Il y a plein de variables qui entrent en compte dans l’expérience du SOPK, il n’affecte pas tous les corps de la même façon, et tous ses corps ne seront pas acceptés (ou non) par la société et le corps médical de la même façon. De choses sont sûres cependant. On peut considérer le SOPK comme une variation intersexe, mais le choix ou non pour les personnes qui en sont atteintes de se définir comme tel revient à une chose : l’autodétermination.

Eva-Luna