Bloody Hell

Bloody Hell


Illustré par Filo Dessins.

J’ai eu mes premières règles à 14 ans. J’étais tellement contente d’être enfin réglée, comme si c’était la course à la féminité mais en réalité, c’est à partir de ce moment que mes galères commencent. Quelques semaines après les ménarches, je suis sujette à de vives douleurs au niveau du bas ventre, au point de ne plus pouvoir marcher. Ma mère pense alors que je fais une crise d’appendicite. Direction l’hôpital et après avoir passée une  échographie, on m’annonce que j’ai un kyste ovarien de 6,5cm. Le radiologue me dit que j’ai de la chance, qu’à 50mm près, j’étais bonne pour l’opération. On me conseille de voir un gynéco qui me dit d’attendre les prochaines règles car normalement, le kyste devrait s’évacuer naturellement à ce moment là. Ce dernier en profite pour m’expliquer qu’avec mes origines méditerranéennes ainsi que mon surpoids (le surpoids c’est le mal de tous les maux!), je suis une patiente à risque pour les kystes ovariens et que pour éviter d’en refaire, il faut que je prenne la pilule. J’ai 14 ans, pas de vie sexuelle et je prends pour la première fois la pilule après avoir été culpabilisée et body-shamé par le corps médical. Je prends 10kg en quelques semaines, on me change de pilule, je fais des poussées d’acnés, on me (re)change de pilule… Je ne sais plus combien de fois, j’en ai changé.

Le calme avant la tempête

J’en trouve finalement une qui me convient et la garde pendant 14 ans. Je l’arrête après tout ce temps car nous décidons avec mon conjoint d’avoir un enfant. Je tombe enceinte assez vite, au bout de 3 mois. Je suis assez étonnée car je pensais qu’avec 14 ans de pilule ce serait plus compliqué. Malheureusement, je fais une fausse couche. Je suis très mal prise en charge par les médecins et je vis un enfer pendant des jours, qui me paraissent une éternité. Je saigne beaucoup et ne peux plus voir tout ce sang couler de mon corps, je me sens vide. Dès que je vois une goutte de sang je fond en larmes. Après cet épisode, je mets un an à retomber enceinte. Chaque fois que j’ai mes règles, je suis au fond du gouffre et mon mec en souffre aussi.

Froideur médicale

J’ai passé de nombreux examens qui se sont tous mal passés, mais le pire a été l’hystérographie. Rien que d’y repenser j’en ai des frissons. Je prends rendez-vous dans un cabinet de radiologie où je me rends avec mon mec. La salle d’attente est chaleureuse et ça me déstresse un peu.C’est à mon tour : je rentre seule dans une petite pièce dans laquelle je me déshabille et passe dans la salle d’examen que je trouve horriblement froide. Pas en température mais dans le sens chirurgicale du terme. Je commence à être mal à l’aise. Je m’installe sur la table. Le personnel est tout aussi froid que la salle. On m’explique que la radiologue va m’injecter un produit dans le col de l’utérus. Le stress monte un peu plus. Elle commence. Je sens une douleur atroce dans mon ventre. Je lui demande d’arrêter, elle me répond que le produit “ne passe pas” du côté gauche et elle continue. Après cela, je ne me souviens plus trop. Je pleure et la supplie d’arrêter. Finalement elle m’écoute et s’arrête. L’acte n’a pas duré plus d’une minute mais cela m’a semblé une éternité, même quand j’y repense aujourd’hui.

Illustration Filo Dessins.

Quand je suis sortie, mon mec m’a dit m’avoir entendu pleurer et crier jusque dans la salle d’attente et qu’il s’était levé pour venir voir quand je me suis tue. Après tous ces examens, la gynéco m’a expliquée que j’avais une trompe un peu bouchée et que je ne produisais pas assez d’hormones pour retomber enceinte. Elle me prescrit donc un traitement hormonal en comprimé. Je suis tombée enceinte tout de suite après le cycle suivant.

Grossesse et accouchement atypique

Je n’ai pas vécu une super grossesse. Oui je ne suis définitivement pas chanceuse avec la gynécologie. J’ai été en suivi intensif de grossesse pendant les 9 mois. D’une part, parce que j’ai des problèmes de thyroïdes (ah ces satanées hormones !) et d’autre part, parce que j’ai commencé à faire de l’hypertension… Malgré tout, la grossesse se passe relativement bien. Puis vient le jour de l’accouchement. Je commence à avoir des contractions le jeudi matin vers 5h, je dis à mon conjoint de tout de même aller travailler, on sait que ça peut être long. Quand il rentre du boulot, on part à la maternité, il est environ 17h. On m’examine, je ne suis ouverte qu’à deux doigts (oui c’est glam’ de mesurer en doigts…), le temps passe… J’entre en salle de travail vers 4h du matin je pense. Je suis épuisée, ça fait 23h que je n’ai pas dormi. On me demande de pousser, je pousse, je pousse, je pousse mais mon fils reste coincé. Le problème étant que la sage femme voulait tout faire elle même et elle a mis une éternité à réagir quand elle a vu que mon fils ne passait pas !

Illustration Filo Dessins.

Je la vois se mettre à genoux sur la table et prends conscience qu’elle veut me faire une expression abdominale. Pendant toute ma grossesse, j’ai dit à mon mec : «  Si jamais tu vois le/la médecin ou la sage femme me faire une expression abdominale tu les en empêche ! Je ne veux pas, c’est douloureux, inefficace et dangereux ! ». L’expression abdominale est le fait d’appliquer une pression sur le fond de l’utérus avec l’intention spécifique de raccourcir la deuxième phase de l’accouchement. C’est une pratique largement critiqué car elle est très douloureuse et dangereuse. Je lui demande de ne pas faire ce qu’elle s’apprête à faire, elle ne m’écoute pas et je hurle ! Comme elle ne m’écoute toujours pas, mon mec l’attrape par le bras et lui dit qu’elle devait s’arrêter tout de suite (il s’est d’ailleurs excusé ensuite pour son geste). Elle appelle enfin un interne quand elle voit que mon fils est en détresse. Il essaie de l’extraire avec une ventouse, à deux reprises mais sans succès. Il appelle (enfin) le médecin. Ce dernier n’y va pas avec le dos de la cuillère… Il prend les forceps et tire comme un dingue… Il me demande de pousser mais je n’ai plus la force, je pleure, je veux que ça s’arrête, je veux juste prendre mon fils dans les bras. Le gynéco arrive enfin à le faire sortir, non sans mal ! J’ai à peine le temps de le voir qu’ils/elles l’emmènent pour lui dégager les voies respiratoires. Mais il va bien.

Douleur et patience

De mon côté, j’ai droit à des points de suture suite à une épisiotomie et le meilleur, c’est que mon bassin a été déplacé à cause des forceps ! Je passe 5 jours à l’hôpital. Je souffre et demande à voir un.e kiné pour mon bassin. On me répond que ça ne sert à rien, que j’ai besoin d’un.e ostéopathe et qu’à l’hôpital il n’y en a pas… Je rentre chez moi et ne trouve pas de rendez-vous chez un.e ostéo avant la semaine suivante. Il y a une nuit ou j’ai tellement mal que j’appelle SOS Médecin. Il me répond ne rien pouvoir faire pour moi… Il me prescrit tout de même – et vraiment parce que j’insiste – des antidouleurs, dérivés d’opiacés et anti-inflammatoires. La semaine suivante, l’ostéopathe me délivre enfin de ces douleurs !

Illustration Filo Dessins.

Double dose de sang

Après toutes ces galères je retourne chez mon gynéco de ville. Je ne veux plus d’hormones, il me propose donc un stérilet en cuivre. Je le porte 1 an et demi. Et je ne sais pas comment j’ai fait pour tenir aussi longtemps ! Pendant mes règles, je remplissais ma cup en 1h ! En octobre 2017, j’ai mes règles pendant 10 jours sans interruption. Je téléphone à mon gynéco qui me prescrit (par téléphone) un médicament pour que le flux s’arrête . Et ça n’arrange rien. Je me rends aux consultations de l’hôpital sans rendez-vous. L’interne que je vois trouve le phénomène presque normal… Je lui demande de m’ôter le stérilet car je n’en peux plus de saigner depuis plus de 10 jours : je suis épuisée et mon anémie ne s’arrangera pas à ce rythme. Il veut me prescrire une pilule, je refuse. Après avoir discuter avec mon mec, il me dit que ça ne le dérange pas de mettre des préservatifs, il ne souhaite pas non plus que je m’acharne avec des hormones. Pas facile de se remettre aux capotes, mais nous sommes d’accord tous les deux.

Délivrance

Aujourd’hui, cela fait presque 6 mois que je n’utilise plus de contraception hormonale. Mes règles sont régulières et ne durent que 4 jours ! Elles ne me dérangent plus, sauf quand le syndrome prémenstruel débarque. Ça me paraît presque irréel ! Il m’arrive d’avoir des douleurs le premier jour mais rien de bien grave. Et je n’ai plus jamais eu de kystes.
Quels conseils j’ai à te donner après toutes ces années de galères gynécologiques ? Fais toi confiance ! Si tu sens que le/la médecin ou la sage femme va trop loin, ne te laisse pas faire car ils n’ont pas toujours raison. Il n’y a que toi qui puisse dire ce qui est bon ou non pour toi. Tu connais ton corps mieux que personne !

 

Marie.